Yann Jaubert, Alfi Technologies : « il faut démythifier les nouvelles technologies auprès des industries »
Président d’Alfi Technologies, entreprise spécialisée dans l’ingénierie et la fabrication de lignes de manutention et solutions de production automatisée, Yann Jaubert mise sur l’innovation et la force du drapeau tricolore pour redonner à l’industrie française ses lettres de noblesse.
En proposant aux entreprises de s’équiper en solutions robotiques, Yann Jaubert mène deux combats : celui de la modernisation des industries, et par extension, celui de l’amélioration des conditions de travail et de la compétitivité des entreprises françaises. Lorsqu’il a créé Alfi Technologies en 2010, le dirigeant croyait déjà en la force tricolore des moyens de production. « Il a fallu que j’explique à des sociétés du CAC 40 qu’aller fabriquer en Chine pour produire moins cher n’était pas la bonne orientation. Je considérais déjà à l’époque qu’on pouvait fabriquer des machines en France de manière compétitive. ». Cette mission, accentuée par la nécessité pragmatique de faire face à la concurrence, a poussé Yann Jaubert dans les bras des nouvelles technologies.
L’innovation au service de l’industrie française
« On vit la désindustrialisation depuis 30 ans. Il va falloir faire preuve de beaucoup de persévérance pour que les mentalités et l’industrie évoluent ». Ambassadeur actif de la French Fab, Yann Jaubert travaille chaque jour pour qu’Alfi Technologies en particulier, les PME et ETI en général, redorent le blason industriel français. Un objectif qu‘il poursuit depuis 10 ans, porté par de réels engagements : « c’est face à des contraintes très fortes sur le plan économique et avec la conviction que l’innovation était la voie pour se réinventer qu’on a intégré de nouvelles solutions chez Alfi Technologies. ».
Une voie qui permet aujourd’hui à l’entreprise, en plus de fabriquer des machines, d’accompagner ses clients dans la définition de leurs outils en développant des solutions numériques. La société a notamment passé le cap de l’industrie 4.0 en imaginant une technologie lui permettant de développer le jumeau numérique des lignes de production de ses clients. Labellisée « Vitrine industrie du futur », cette innovation permet ainsi de déceler, en amont de la matérialisation du projet de l’entreprise cliente, les besoins et les contraintes liées à l’élaboration de ses usines. Concevoir à la source ces nouvelles technologies et les mettre à disposition des sociétés françaises est un moyen pour Yann Jaubert de développer son propre business, mais aussi de démontrer par la preuve que l’industrie 4.0 française est possible. Une autre mission pour le chef d’entreprise, qui souhaite modifier la perception du secteur à plusieurs niveaux.
Changer la perception de l’industrie à tous les niveaux
Parmi les regards qu’il faut changer, il y a celui du grand public. « L’opinion publique associe aujourd’hui l’industrie aux pollueurs. Certes il y a la Covid-19, mais il s’agit d’une crise passagère. Ce qui met en péril l’humanité, c’est le réchauffement climatique et toutes les conséquences qui s’en suivent. Il faut montrer aux gens que l’industrie peut être l’alliée, voire une partie de la solution. ». Parce que pour montrer il faut démontrer, Yann Jaubert tient à la mesurabilité des résultats. Il met notamment en avant l’échelle de notation EcoVadis, qui instaure des niveaux de performances RSE. « Les engagements RSE sont extrêmement importants dans la French Fab. Il va falloir qu’on les intègre pour pouvoir expliquer à la population qu’en travaillant de cette façon en France, non seulement on pourvoit des emplois, mais on développe également des solutions durables au niveau environnemental. ». S’il veut ainsi changer la perception du grand public en s’appuyant sur l’enjeu global qu’est l’écologie, c’est un autre pan de l’industrie qu’il veut « démythifier » auprès des industriels eux-mêmes : la modernisation des moyens de production.
« Qui dit « industrie 4.0 » ne veut pas forcément dire travailler avec de grandes sociétés qui vont facturer des systèmes ultra modernes plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est aussi croire en des petites solutions, hyper agiles, rapides, peu onéreuses et pérennes. ». Pour changer la culture industrielle, il faut ainsi « montrer que ça peut être simple ». S’il est aujourd’hui convaincu que les acteurs du secteur ont compris les enjeux de ces évolutions, il mise sur la pédagogie pour les mettre en pratique. Une mise en pratique qui ne se fera pas sans l’aide des startups, mais aussi des grands groupes, desquels il attend également un nouveau regard. « Les acheteurs des grands groupes sont notamment incentivés sur le prix d’achat des machines, et oublient parfois l’importance des performances des machines elles-mêmes. L’objectif est pourtant de faire en sorte qu’elles fonctionnent et qu’elles produisent, ce n’est pas de les acheter le moins cher possible. ». Premières victimes de cette culture, les entreprises françaises, phagocytées par ces intérêts liés aux coûts. En temps de crise, Yann Jaubert considère ainsi plus que jamais indispensable de s’appuyer sur une collaboration resserrée entre donneurs d’ordres et sous-traitants, et d’avancer vers une stratégie d’investissement plus éthique et locale.
Une collaboration indispensable entre tous les acteurs
Collaboration entre grands groupes, PME et ETI, collaboration entre anciennes et nouvelles générations… Pour Yann Jaubert, l’instauration d’une meilleure communication entre tous les acteurs impliqués dans l’industrie est capitale. « Dès l’école, en France, on apprend à travailler de manière individualiste. Ça se ressent ensuite dans la vie professionnelle. Il faut qu’on change cette culture, qu’on apprenne à travailler de concert, entre clients et fournisseurs, et entre concurrents, pour répondre aux nouveaux enjeux de la France et de la planète. ». Lorsqu’il parle d’Alfi Technologies, le chef d’entreprise tient notamment à mentionner les startups dont il s’est entouré pour développer ses innovations et avancer vers l’industrie 4.0. Celles-là même qu’il souhaite mettre en avant pour changer la perception des industriels sur les nouvelles technologies. Ces innovations, nées entre autres grâce à ces collaborations étroites et agiles, sont d’autant plus importantes pour les entreprises françaises qu’elles sont un moyen d’attirer les jeunes.
Parce que l’industrie ne peut avancer sans eux, il faut également les intégrer dans cet élan commun. « Il faut que les PME et ETI s’emparent du sujet. La logique veut que les jeunes aillent vers les entreprises qu’ils connaissent. Il ne faut pas attendre d’eux qu’ils viennent nous voir, c’est à nous d’aller vers eux. ».
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