Marché du vélo et Made in France : l’industrie réinvente la roue
Face à une demande qui explose, l’offre des industriels œuvrant sur le marché du vélo a parfois du mal à suivre. Profitant d’une amélioration de la situation économique et d’un contexte consommateur favorable, certains constructeurs ont décidé de mettre l’accent sur le Made in France. La clé du succès et de l’alignement offre-demande ? Tour d’horizon d’un marché qui se réinvente.
En 2020, 2,7 millions de vélos ont été vendus en France, d’après les chiffres de l’Union Sport & Cycle. Un marché représentant près de 3 milliards d’euros, et en hausse de 25 % par rapport à 2019. Cette belle progression, le monde du cycle le doit en partie à la crise sanitaire. « La désaffection pour les transports en commun s’est notamment traduite par un report sur le vélo », souligne ainsi Pierre Stachowicz, responsable communication de la marque de vélos sur-mesure Victoire Cycles et de sa petite sœur Distance, née il y a 2 ans et demi, qui propose des modèles en série. Mais le soufflé ne devrait pas retomber de sitôt, car la pandémie est loin d’être le seul facteur à avoir poussé les Français sur la selle. « La mobilité urbaine se transforme, en faveur de plus d’autonomie et de modes de transport propres. Les villes européennes ont lancé des investissements majeurs pour faciliter l’usage du vélo et la France rattrape petit à petit son retard sur l’Europe du nord », constate Federico Musi, CEO de Look Cycle, marque française historique du cyclisme. « Le vélo devient de plus en plus populaire et ce phénomène est amplifié, notamment avec la démocratisation du vélo électrique (urbain et sportif), et aussi par un retour vers les sports outdoor. ».
Se réinventer pour aligner l’offre et la demande
La hausse de la demande, toutes les marques n’ont pas pu en profiter de la même manière. « Victoire a dix ans et, depuis le début, s’inscrit dans une démarche de durabilité. La fabrication et l’assemblage sont locaux, en Auvergne, et nos fournisseurs essentiellement français et issus de l’artisanat. Ce qui était une conviction – fabriquer durable, avec certaines pièces et vélos garanties à vie – s’est avéré être un avantage concurrentiel dans la crise. Nous n’avons pas subi de retard d’approvisionnement et avons pu fournir des vélos quand les grandes marques ou commerces spécialisés prenaient du retard », constate Pierre Stachowicz. Une difficulté d’approvisionnement contrée de la même façon par Look Cycle. « Il y a bel et bien une hausse de la demande pour des vélos, mais elle s’est avérée difficile à capturer, à cause de l’allongement des délais de fournisseurs. Nous avons deux usines en France, et donc une autonomie industrielle sur les produits phares de notre gamme, ce qui nous offre un avantage compétitif fort dans un moment complexe pour l’approvisionnement mondial. Nous sommes aussi présents à l’international, avec une filiale très importante aux Etats-Unis et un bureau à Taiwan pour suivre la gestion globale de notre supply chain. Or la crise a prouvé qu’une supply chain courte était nécessaire et la plus efficace pour pouvoir poursuivre pleinement son activité », précise ainsi Federico Musi. Et même si le commerce international a repris, il demeure toutefois prudent quant à l’amélioration des conditions d’approvisionnement. Au niveau mondial, l’essentiel des fabricants de pièces de vélo est en effet situé en Asie et soumis à une très forte demande. Les tensions sur la supply chain pourraient désormais se traduire par une montée de l’inflation.
Fabriquer français pour faire face à la crise
Une situation qui a poussé le groupe Look Cycle à repenser son organisation – c’est-à-dire à renforcer son autonomie industrielle et à relocaliser en France la production asiatique. « Environ 80 % de nos pédales sont fabriquées en France, mais les entrées de gamme de nos produits offroad étaient jusqu’ici produites en Asie, pour une question de coûts. Nous avons décidé de repenser le produit et de le réindustrialiser en France », explique le dirigeant de Look Cycle. Un projet qui va être en partie financé par le plan de relance français, dont Federico Musi loue le déploiement et la mise en application concrète. « On sent une véritable implication des administrations locales auprès des entreprises [Look Cycle est historiquement implanté à Nevers], notamment pour les aider à monter leur dossier. Ensuite, les prises de décision sont rapides. ».
Produire français est donc en train de devenir un atout commercial, que Pierre Stachowicz aimerait voir mieux valorisé auprès des utilisateurs de vélos. « D’autant que le label Made in France est parfois trompeur, attribué à des vélos montés en France, mais sans origine hexagonale véritable. Or la crise a prouvé à quel point les produits locaux et le Made in France étaient indispensables, et ce bien au-delà du seul segment du vélo. »
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