6 leviers pour favoriser la mixité dans l’industrie
A l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, 4 dirigeantes d’entreprises ont échangé autour de la mixité dans l’industrie. L’occasion pour elles de mettre en avant diverses initiatives et bonnes pratiques qui pourraient changer la donne.
Les statistiques ne bougent pas depuis 10 ans : seuls 29% des emplois de l’industrie sont occupés par des femmes. Porté par la ministre déléguée chargée de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, l’enjeu de la féminisation du secteur voit chaque année les initiatives se multiplier. De la formation, à la sensibilisation en entreprise en passant par les ajustements liés aux conditions de travail, les formes sont diverses et participent toutes, à leur manière, à l’évolution des mentalités et comportements. Toutes dirigeantes d’entreprises industrielles, Marthe Prunier, directrice générale du Groupe CIF, Anne Vetter, directrice générale du Groupe Velum, Sylvie Casenave-Péré, présidente de Posson Packaging, et Julia Cattin, présidente de Manuvit, ont évoqué plusieurs actions et bonnes pratiques susceptibles d’encourager la mixité dans les sociétés du Coq Bleu.
Casser les idées reçues sur l’industrie dès l’école
Avant même de parler de mixité dans l’industrie, il est question de casser les idées reçues sur le secteur lui-même pour attirer les candidats dès leur plus jeune âge. Une sensibilisation au quotidien concret des femmes et des hommes travaillant dans les entreprises de La French Fab, qui, d’après les quatre intervenantes, doit trouver sa voix, et dans le cadre familial, et dans le cadre scolaire.
Outre les parents évoluant eux-mêmes dans l’industrie, lesquels ont toutes les cartes en main pour parler de leur quotidien à leurs enfants et défaire l’image d’Epinal qu’ils peuvent avoir du secteur, la déconstruction pourrait également, d’après les intervenantes, venir des autres. « Je veux que les parents puissent imaginer leur fille dans l’industrie, qu’ils arrivent à se projeter eux-mêmes dans les métiers du secteur », explique Anne Vetter, qui profite de certaines de ses interventions en tant que dirigeante pour évoquer le problème plus en amont, via le sujet de la mixité des jouets.
Aussi, la mixité doit être un sujet abordé dès l’école. « Les enfants doivent aussi bien affronter leurs parents que le corps enseignant », poursuit Marthe Prunier, mettant en lumière l’idée que le conditionnement des jeunes est un enjeu qui intervient dès leur scolarité. Une déconstruction qui se joue dans les classes de façon générale, mais également au moment de l’orientation, de façon plus ciblée sur la vie professionnelle.
Jouer sur la projection à travers le mentorat
Pour sensibiliser les filles et les femmes aux métiers de l’industrie, les quatre intervenantes misent, entre autres, sur l’idée de modèle. Pour Julia Cattin et Marthe Prunier, membre du collectif IndustriELLES, le mentorat pourrait être l’un des leviers de projection les plus efficaces pour les jeunes : « Il faut que les filles et les femmes comprennent qu’il y a plein de manières d’exercer un métier dans l’industrie. On a souvent des idées préconçues. Le mentorat pourrait permettre de donner des exemples. Il faut lancer les mises en relation entre les femmes qui travaillent dans le secteur et celles qui n’y travaillent pas encore, le tout adapté à chaque public », propose la présidente de Manuvit.
Tisser des liens entre les femmes évoluant dans l’industrie et les autres peut également se faire de façon plus précoce, dès l’école. C’est en tout cas ce que propose Marthe Prunier, suivant le même schéma que Julia Cattin : « Je crois beaucoup à la notion d’exemplarité. Il faut que les jeunes filles se projettent. Proposer un système de mentorat à plusieurs niveaux de leur scolarité pourra leur permettre de se dire que si d’autres l’ont fait, elles aussi peuvent le faire ».
Montrer le quotidien des usines grâce à l’immersion
Toujours suivant cette notion de projection, Anne Vetter mise sur les visites en entreprise : « Ce qui est essentiel, c’est que les femmes de l’industrie puissent témoigner et montrer, dans les écoles ou même juste dans leur environnement, que c’est possible ». Lorsqu’elle accueille des filles dans ses locaux, la dirigeante de Velum l’assume : elle fait le choix de leur présenter des femmes « non pas parce qu’elles sont meilleures, mais parce qu’elles sont plus inspirantes pour les visiteuses », qui seront alors plus à même de se dire « moi aussi je veux faire ce métier ».
Même chose pour Sylvie Casenave-Péré, qui organise depuis longtemps des journées portes ouvertes dans son entreprise tous les deux ans, à l’instar des autres sociétés du bassin économique des Pays de la Loire. « Nous réalisons ces visites d’usine sur plusieurs jours et le vendredi est réservé aux écoles. Nous affrétons des bus qui conduisent les jeunes et leurs professeurs chez nous. Des parcours sont imaginés autour des métiers. ». La dirigeante va même plus loin en organisant un concours de vidéos réalisées par les élèves, incités à montrer, à travers leur caméra, l’idée qu’ils se font de telle ou telle profession. A l’issue du projet, une remise de prix est organisée.
Plus spécifiquement, Marthe Prunier a quant à elle pris l’initiative d’ouvrir en priorité ses jobs d’été aux enfants de salariés : « Faire travailler les enfants des salariés dans l’entreprise où évoluent leurs parents leur donne goût à l’entreprise. Grâce à ça, on a pu susciter des vocations », explique-t-elle.
Aménager les horaires au cas par cas
Durant leurs échanges, les 4 dirigeantes n’ont pas oublié de mentionner les conditions de travail des personnes travaillant dans les usines en général, des femmes en particulier. Mettant en avant divers cas particuliers, des familles monoparentales, à la charge pesant le plus régulièrement sur les mères de famille, elles ont mis en lumière les ajustements pouvant être mis en œuvre dans les entreprises.
Chez Manuvit, Julia Cattin mise notamment sur les aménagements des horaires : « Dans les métiers de production, beaucoup de femmes ont la charge de leurs enfants. Leur permettre de terminer leurs journées de travail plus tôt pour aller les chercher à l’école et passer du temps avec eux est une initiative qui peut faire la différence. Beaucoup d’industries fonctionnent avec des horaires en décalé, il faut qu’on arrive à intégrer plus de souplesse dans le management ».
Marthe Prunier, elle, fait entièrement confiance à ses équipes pour ce type d’aménagement, et les laisse jouer librement de leur solidarité et souplesse : « Je crois beaucoup à cette formule qui consiste à laisser de la liberté aux gens. Il faut leur faire confiance. C’est une chose qui a été largement mise en œuvre pendant la Covid-19 ». Et visiblement, ça fonctionne.
Faciliter les déplacements
Sylvie Casenave-Péré quant à elle, a mis l’accent sur les déplacements domicile-travail suite à l’implantation d’une nouvelle usine dans une zone mal desservie. Suite à des échanges avec un constructeur, la dirigeante a pu mettre en place un partenariat permettant à ses salariés de bénéficier d’une voiture de location longue durée. Si l’initiative est dédiée à l’ensemble de ses salariés, la dirigeante de Posson Packaging a remarqué que près de 80% des personnes désireuses de participer à ce dispositif étaient des femmes.
La digitalisation au service de meilleures conditions de travail
Sur la question de la pénibilité du travail, Marthe Prunier a tenu à mettre en lumière l’importance de la transformation numérique et des nouvelles technologies dans les entreprises. « Nous assistons, avec la digitalisation, à l’allègement de certaines conditions de travail. Les nouveaux outils peuvent faciliter la féminisation d’un certain nombre de postes. Il faut franchir le cap de la technologie », affirme-t-elle. Et communiquer auprès du public des évolutions s’opérant dans le secteur industriel.
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