Sobriété énergétique : comment les industriels peuvent-ils concrètement réduire leurs factures ?
La crise énergétique et les exigences de l’État en matière de sobriété appellent les industriels à, eux aussi, réduire leur consommation d’énergie. Quels sont les leviers d’action concrets pour les entreprises désireuses de limiter leur facture énergétique ? Des experts et industriels nous offrent quelques pistes.
Le plan de sobriété révélé cet automne par le ministère de la Transition énergétique présente une feuille de route ambitieuse : réduire de 10 % la consommation d’énergie sur les deux prochaines années par rapport à 2019. Face à cette exigence et dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de dérèglement climatique, le secteur industriel, l’un des principaux consommateurs de gaz et d’électricité en France, doit se mobiliser pour améliorer ses performances énergétiques.
Et l’urgence est de mise : « Les prix unitaires de notre facture d’électricité ont augmenté de deux à trois fois déjà en 2021, et pour le gaz, ils ont été multipliés par cinq, ce qui soulève beaucoup d’inquiétudes pour cette année et celle d’après », constate Yves Noirot, directeur général des Fonderies de Sougland, industriel basé à Saint-Michel, dans l’Aisne. Comment les entreprises peuvent-elles faire face à cette situation via des actions concrètes et efficaces ? Voici quelques éléments de réponse.
Diagnostiquer sa consommation et ses besoins réels
Première étape indispensable : définir ses besoins réels en énergie et les mettre en parallèle avec sa consommation, pour identifier les potentielles surconsommations. Une cartographie qui peut être réalisée en interne, ou via un audit, tel que le propose OID Consultants, cabinet d’experts spécialisé dans l’optimisation de la gestion des flux environnementaux. Pour répondre aux sollicitations d’entreprises préoccupées par le contexte actuel, ce dernier a récemment mis en place OIDiag : cet outil récupère des indicateurs clés de l’entreprise via un processus automatique qui va ensuite analyser et « faire parler » ces données, et permet d’identifier le plus rapidement possible les actions concrètes à mettre en place.
Le cabinet d’experts intervient également dans le cadre du programme Diag Eco-Flux, mis en place par Bpifrance en partenariat avec l’ADEME depuis septembre 2020. Ce dernier propose un accompagnement personnalisé sur 18 mois pour aider les entreprises à réduire leur consommation d’énergie, pour un coût de 2 000 à 3 000 € après subvention. Résultat : 45 000 euros d’économie en moyenne par entreprise. « On constate, via ce programme, que des actions parfois simples à mettre en place et qui ne nécessitent pas de gros investissements engendrent des gains économiques importants pour les entreprises », affirme Hélène Quillien, cheffe de projet Diag’Action Climat chez Bpifrance. L’institution propose également des solutions de financement pour faciliter la mise en œuvre de travaux de rénovation énergétique ou d’achats de nouveaux équipements.
Commencer par les actions simples
Les experts s’accordent en effet sur un point : les entreprises doivent en premier lieu s’attaquer aux éléments les plus simples. « On a tendance à penser tout de suite aux panneaux solaires, à l’isolation, etc., alors qu’il y a d’abord ce qu’on appelle le bon sens paysan », note Samuel Musnier, co-gérant OID Consultants. « Dès lors, l’entreprise peut réduire sa facture énergétique de 10 à 15 % assez facilement. »
Ces actions comprennent par exemple le travail sur le talon (la consommation de l’usine quand elle est fermée) en éteignant le plus d’équipements possibles, la chasse au gaspillage (fuites éventuelles du réseau d’air comprimé, chauffage, éclairage) et la sensibilisation des employés par des campagnes d’affichage (comme afficher la température réelle à l’intérieur d’un bâtiment, qui peut différer du ressenti).
Dans un second temps, des efforts plus ambitieux peuvent être entrepris : remplacement des équipements (chaudières plus performantes et économes), optimisation des process, isolation du bâti, investissement dans des panneaux solaires, systèmes de géothermie, etc.
Enfin, il est essentiel de mettre en place un suivi sur le long terme, que ce soit par des outils de monitoring ou une personne en charge. « Avoir quelqu’un qui porte le sujet au sein d’une entreprise assure une certaine pérennité du suivi et de tout le travail effectué », assure la cheffe de projet Diag’Action Climat.
L’exemple des Fonderies de Sougland
Les Fonderies de Sougland, industriel spécialisé dans la conception et la fabrication de pièces d’acier et de fonte, travaillent sur la question de la transition énergétique depuis plusieurs années. La hausse des prix de l’énergie a poussé le directeur général Yves Noirot à aller plus loin, en établissant dès début 2022 un plan d’action d’économie de l’énergie, s’appuyant sur différentes composantes.
Ce dernier inclut le passage à la semaine de quatre jours en accord avec le personnel, afin de réaliser des économies et de gagner en souplesse, le renforcement du télétravail, notamment pour le département R&D, et la baisse du chauffage et l’équipement du personnel avec des vêtements de soie, notamment pour les employés de l’atelier. Par ailleurs, l’entreprise a mis en place des minuteurs, effectué une chasse au gaspillage, étendu le système de récupération de la chaleur fatale (pour la conserver comme moyen de chauffage) et est en train de remplacer les éclairages extérieurs et intérieurs par du LED. Enfin, un ingénieur environnement s’est vu attribuer le titre de VTE Vert (Aide Volontariat Territorial en Entreprise Vert) pour travailler au côté du dirigeant sur la transition énergétique et écologique.
Un plan en cours de réalisation qui porte déjà ses fruits : « Ces différentes actions vont nous permettre de juguler de près de moitié la hausse des prix de l’énergie. Pour cette année, nous devrions être à +20-25 % en termes de coûts pour l’électricité et +100 % pour le gaz, alors que le prix unitaire de ce dernier a quintuplé », affirme Yves Noirot.
L’industriel espère cependant que les entreprises, qui se sont d’ores et déjà investies dans cet effort de sobriété, pourront être accompagnées par l’Etat l’an prochain sur le plan financier, notamment en cas de nouvelle hausse des prix et de saison hivernale rigoureuse. « Nous avons peu de solutions à notre disposition pour amortir ces surcoûts, mis à part bloquer les investissements ou répercuter la hausse sur les prix de nos produits, au détriment de nos clients. Ce qui risque de compromettre tout le travail effectué pour assurer la renaissance de l’industrie en France », prévient le directeur général des Fonderies de Sougland, avant de conclure : « Il faut que les industriels qui ont déjà consentis à des efforts financiers et ceux qui sont prêts à agir puissent travailler conjointement avec l’Etat et être encouragés sur ce sujet ; chacun a sa part à jouer. »
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