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« Il n’y a plus besoin d’avoir un grand héritage familial pour entreprendre » dans l’industrie

Se lancer dans l’industrie quand on vient des quartiers populaires. Le sujet a fait l’objet d’un débat, jeudi 5 décembre lors de l’événement Quartier Général à la Communale Saint-Ouen.

 

« Créer dans l’industrie, pourquoi pas vous ? » Durant la conférence organisée jeudi 5 décembre, à l’occasion de l’événement Quartier Général – à la Communale Saint-Ouen – rendez-vous des créateurs et entrepreneurs de quartiers populaires, de multiples expériences et solutions entrepreneuriales ont été appréhendées.

Dans un contexte de réindustrialisation de la France et de quête d’innovation, les intervenants mobilisés ont mis en avant les différentes façons de se lancer dans un projet de création d’entreprise industrielle. Quelles sont les aides disponibles pour les entrepreneurs ? Comment s’entourer et être accompagné ? Quels sont les domaines porteurs ? Quel modèle industriel adopter ? De quelle manière passer de l’idée à sa concrétisation ? La French Fab vous propose un récapitulatif des principaux points débattus.

L’industrie, une filière en demande dans les quartiers prioritaires de la ville

« L’industrie, c’est simple, ce sont toutes les activités qui vont impliquer de la transformation de matière. Dès qu’on transforme, on est dans une activité industrielle », éclaire à l’orée du débat, Virginie Saks, co-fondatrice et associée à Compagnum. Pour l’intervenante, revenir sur la définition de cette filière est importante pour deux raisons : tout d’abord, les créateurs d’entreprise doivent avoir en tête la « stratégie de réindustrialisation du territoire » ainsi que les sujets qui l’entourent : décarbonation, transition environnementale etc. Ces enjeux sont connus des collectivités ainsi que des territoires ouverts aux projets industriels, à l’instar de ceux inscrits en quartiers prioritaires de la ville (QPV), notamment pour des questions de créations d’emplois. Par ailleurs, se lancer dans la création d’une entreprise industrielle dans ces territoires est source à la fois de « valeur ajoutée » mais aussi d’innovation. Passer par ces territoires demeure une bonne façon de se faire connaître auprès des acteurs publics qui peuvent se rendre disponible afin d’aider à l’implantation d’une entreprise, souligne encore l’intervenante.

A cette présentation générale autour de la filière, Malek Fiouane, Référent conseil industrie, Startups et PME industrielles chez Bpifrance ajoute une autre dénomination. L’industrie signifie « faire ensemble », avance t-il. Pour s’insérer dans ce milieu, il convient de « bien s’entourer », ajoute l’intervenant, en  intégrant notamment les réflexes classiques et propres à l’entrepreneuriat pour créer dans le monde de l’industrie. Lorsqu’arrivera le moment de recruter, Malek Fiouane propose d’opérer de manière stratégique. « Les premières brindilles que vous allez choisir sont très importantes parce que la flamme est encore fragile ». En d’autres termes, il faut rester prudent, mais ne pas hésiter à se lancer…

Le Pavé, une startup innovante passée à l’échelle industrielle

« Comment passer de l’idée à l’industrie ? », a interrogé durant la conférence, Philippine Lucille, Directrice du pilotage Plan Industrie chez Bpifrance. Pour tenter d’y voir plus clair, deux entrepreneurs dans le secteur de l’industrie ont partagé leurs expériences. Jim Pasquet, co-fondateur de Le Pavé, une entreprise « qui essaye de faire le pont entre la problématique du bâtiment, c’est-à-dire, la nécessité d’avoir des matériaux qui sont à la fois décarbonés et locaux, et la problématique des déchets ».

Né en 2017 à partir d’un projet étudiant, Le Pavé est devenu une startup industrielle, qui repose aujourd’hui sur trois savoir-faire : « l’identification du flux de déchets », « la transformation de ces déchets sous forme de panneaux pour le bâtiment », et « la capacité pour ces panneaux de voir le jours sous plein d’applications différentes », expose son co-fondateur. Ce dernier a également décrit les différentes étapes de concrétisation de ce projet, de l’idée à la levée de fonds en passant par le développement du modèle, du lancement des usines et bien sûr « le passage extrêmement compliqué à l’échelle industrielle ». Aujourd’hui, « on a 7 nouvelles usines en Bourgogne, complètement automatisée, on est d’une certaine manière dans la cour des grands des industriels. » L’enjeu étant aujourd’hui, de « déployer le modèle sur plusieurs territoires », a confié l’entrepreneur, désormais « totalement accro » par la filière industrielle.

Où implanter son entreprise industrielle ?

La grande aventure industrielle a également mâturé sur les bancs d’une école pour Anne-Laurel Harmel, Co-fondatrice et CTO chez Vesto. Née il y a quatre ans, cette entreprise est spécialisée dans le « reconditionnement de matériels professionnels, principalement pour les restaurants ». Fours de cuisine, lave-vaisselles déjà utilisés sont récupérés, nettoyés, réparés puis revendus à d’autres acteurs industriels. L’entrepreneuse et ses deux associés sont à l’origine très touchés par la thématique des déchets, explique l’entrepreneure. « J’ai beaucoup de mal avec ce système linéaire, ‘on prend et on jette », précise t-elle.

Anne-Laurel Harmel est revenue sur les premiers pas de Vesto, qui au départ a été pensé sur le système du market place. « On voulait mettre en avant des reconditionneurs et des restaurants qui voulait acheter du matériel » mais cela n’a pas fonctionné. Au bout de six mois, l’équipe se rend compte que malgré les nombreuses demandes, personne ne produisait ce qui était demandé, c’est-à-dire, du reconditionnement qualitatif et en gros volume. Voilà comment, les trois associés sont passés au système industriel. « On a commencé dans un atelier de 1000 m2 situé dans le 93, on y est resté un and et demi ». Depuis l’année dernière, l’entreprise a ouvert une usine près de Roissy où est reconditionné du matériel professionnel. 35 personnes travaillent aujourd’hui dans cette usine. Anne-Laure Harmel a aussi détaillé les difficultés rencontrés dans la recherche d’ un lieu où implanter ses bureaux ou son usine de production. Elle conseille aux futurs créateurs d’entreprises de « mettre de côté des exigences un peu secondaires » (penser au bail précaire par exemple) et de « bien s’entourer » lors de sa recherche (collectivités, régions).

Etre accompagné pour trouver des financements

Contacter des banques, opérer une levée de fonds, passer par des business angels ou des fonds d’investissement. Comment financer son entreprise industrielle ? Jonathan Leveugle, Directeur des aides aux entreprises, Région Île-de-France a présenté quelques dispositifs clés pouvant être utilisé par les créateurs et entrepreneurs. « Ce qu’on regarde, c’est la diversité des projets, a-t-il d’abord précisé. La Seine-Saint-Denis, c’est aussi un territoire industriel avec des ateliers de 1000 à 2000 m2, accessible pour des gens qui se lancent et qui n’ont pas forcément un très grand bagage industriel. » La région soutient de multiples projets industriels et dans tous secteurs, qu’il s’agissent de ceux proposés par des petites ou moyennes entreprises que de ceux impliquant de plus gros acteurs.

En terme de financements et d’investissements, Jonathan Leveugle a rappelé le « rôle clé » joué par les business angels dans le privé ainsi que toutes les aides à la création. A savoir : les prêts d’honneur mis en place par les réseaux entrepreneuriaux comme le réseau Initiative ou Entreprendre en Seine-Saint-Denis par exemple ou les subventions. La région Ile-de-France peut subventionner « jusqu’à 1 million d’euros toutes les premières industrialisations », a détaillé l’intervenant. Le but étant de favoriser l’implantation sur le territoire. Autre dispositif : des fonds d’investissements – jusqu’à 5 ou 6 millions d’euros – spécialisés pour prendre des participations dès les premières étapes de lancement de l’entreprise sont également des sources vers lesquelles le créateur d’entreprise industrielle peut se tourner.

« Il n’y a plus de clôture autour de vous »

Il existe de multiples raisons de se lancer dans l’industrie. Et pour Malek Fioune, démarrer une entreprise aujourd’hui est idéal. « Il n’y a plus besoin d’avoir un grand héritage familial pour pouvoir entreprendre », a t-il commenté. Le Réferent conseil industrie chez Bpifrance a par ailleurs souligné le « caractère unique » des mesures d’accompagnements proposés et de toute l’infrastructure de création proposées par Bpifrance. Voilà pourquoi, le contexte actuel est « historique, il faut en profiter un maximum pour faire décoller des business maintenant », a conseillé le professionnel.

Autres raisons de se lancer dans l’industrie selon Malek Fiouane : la part de risque incluse dans l’entrepreneuriat s’avère une opportunité pour des entrepreneurs qui n’ont pas nécessairement de bagages et qui peuvent dès lors, attirer de futurs investisseurs prêts à collaborer. « Il n’y a plus de clôture autour de vous, il y a rien qui empêche d’entreprendre ». L’intelligence artificielle (IA) reste aussi une « immense opportunité » pour se lancer dans l’industrie.

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