Réindustrialisation : high tech et made in France font-ils bon ménage ?
Pour la réindustrialisation du pays, industries et startups à haut potentiel industriel devront jeter ensemble les fondations des champions économiques de demain, en gardant toujours en ligne de mire les enjeux liés à l’environnement et à la souveraineté économique. Tour d’horizon.
L’enchaînement des crises mondiales ont mis à nu la France et l’Europe face à leurs propres carences : (hyper)dépendance en approvisionnements essentiels, balance commerciale dégradée, enjeux de souveraineté économique et plus particulièrement industrielle, préoccupations écologiques grandissantes, et impératif de création d’emplois durables. Plus touchée que ses voisins européens, la France a assisté à la chute de son secteur industriel passé de 24 à 10 % du PIB entre 1980 et 2019.
Pour y faire face, pas de baguette magique, mais des politiques ambitieuses de réindustrialisation stratégique avec l’ambition de porter à maturité de jeunes pousses à l’échelon industriel. Premier écosystème numérique européen, la France tire aujourd’hui son épingle du jeu avec environ 10 % de startups à vocation industrielle parmi les 15 000 entreprises du secteur hexagonal.
Tisser un langage commun en faveur de la réindustrialisation
Le premier écosystème numérique européen est confronté à un défi majeur. Pour réussir leur pari à l’assaut de l’industrie, les startups prometteuses doivent construire un langage commun avec les industriels et franchir le cap de l’expérimentation et de l’innovation pour évoluer vers une logique d’industrialisation. Bonne nouvelle : les exemples d’essais concluants sont multiples. La société Tekyn en est une bonne illustration. Fondée en 2017, celle-ci vise à optimiser la production des grands groupes du textile grâce au numérique. L’ambition ?
Un suivi digitalisé de la production et des machines de coupe connectées aux besoins réels pour mettre fin aux stocks d’invendus, ennemis des industriels car non-sens économique et écologique devenus excessivement coûteux. Autre exemple, la startup Balyo, créée en 2012, robotise les chariots de manutention standards pour les autonomiser dans les sites de production et dans les entrepôts. Fabriqués en Île-deFrance, les robots Balyo sont distribués à 70 % en Europe et s’ouvrent au marché international pour répondre aux besoins d’industriels comme Renault, FM Logistic ou Massilly.
Ce nouvel élan mêlant innovation et ambition industrielle concerne une grande diversité de secteurs, jusqu’à celui de l’alimentation. La startup Innovafeed, spécialisée dans la production d’aliments à base d’insectes pour les animaux, a par exemple développé un modèle qu’elle qualifie de « symbiose industrielle. » Celle-ci s’installe à proximité de géants de l’agro-industrie pour leurs déchets, valorisés comme des coproduits, et l’énergie non-exploitée, pour alimenter son propre site de production. La centrale installée dans la Somme en partenariat avec le groupe sucrier Tereos et les centrales biomasses Kogeban, permet ainsi d’économiser 57 000 tonnes de CO2 par an et de produire du même coup 15 000 tonnes de protéines d’insectes. En 2022, Innovafeed a levé 250 millions d’euros pour accroître ses capacités de production.
Retrouver la souveraineté par l’innovation industrielle et au service de la transition écologique
La reconstruction d’un langage commun entre jeunes pousses et industriels a permis des partenariats économiquement compétitifs. Ces partenariats répondent également à des enjeux stratégiques pour le continent européen en allant au-delà du seul horizon de réindustrialisation. Les impératifs écologiques d’électrification des usages, qui concernent notamment le secteur automobile, se sont heurtés de plein fouet lors de la crise Covid et de la guerre en Ukraine à la dépendance européenne envers certains marchés étrangers. Comment par exemple faire rouler l’Europe en voiture électrique sans production locale en capacité de garantir notre souveraineté industrielle ?
Les constructeurs automobiles sont en effet complètement dépendants de la production de batteries. Startups et industries ont apporté une première réponse avec Verkor. Fondée en 2020 à Grenoble, la startup s’est positionnée sur l’accélération du développement de batteries bas-carbone à destination du marché européen. Avec sa « gigafactory » dunkerquoise, 1 200 emplois directs doivent être créés pour développer et produire des batteries lithium-ion à haut taux de recyclabilité. Toujours dans le secteur des transports, la startup Flying Whales implantée depuis 2012 à Suresnes vise la décarbonation du secteur du transport aérien via la construction et l’exploitation de ballons dirigeables pour un fret d’un nouveau genre.
Premiers pas
La reconstruction progressive de l’appareil industriel prendra du temps. Cependant, le succès des partenariats entre industries et startups de la tech laisse penser que la montée en intensité technologique d’industries d’envergures variables participe aujourd’hui activement à la restauration d’une forme de souveraineté économique en prise avec les enjeux de transition écologique. Affaire à suivre !
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À lire également – Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie : « Comment un pays à l’origine du TGV ou du programme Ariane a-t-il pu se désindustrialiser à ce point ? »
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