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Eric Eymard, président-fondateur de Eyco : « Il faut travailler sur la chaîne intergénérationnelle pour développer l’industrie »  

Inauguré début septembre à Trets dans les Bouches-du-Rhône, en présence notamment du maire de la commune, Pascal Chauvin et de Nicolas Dufourcq, directeur général de BpiFrance, la nouvelle usine de l’entreprise Eyco, start-up industrielle créée en 2020, mise beaucoup sur la formation intergénérationnelle. La société, spécialisée dans la production de microcircuits intelligents a créé en 2021 son « Eyco Academy ». Interview d’Eric Eymard, fondateur et président de l’entreprise à l’occasion de la deuxième étape du Tour de France de nos industries, au cœur de la ‘French Silicon Valley’ de la Région Sud.

Comment avez-vous débuté dans l’industrie ?  

J’ai commencé très jeune dans la filière, dès la sortie de mes études. J’ai travaillé dans une entreprise familiale située en région Centre, qui avait la particularité de concevoir ses propres procédés. Je me suis notamment occupé de son bureau d’études. Et assez rapidement, j’ai gravi les échelons. J’ai été responsable de ce bureau à 25 ans, puis trois années plus tard, je suis passé directeur technique et à 30 ans, je suis devenu directeur d’usine.
Par la suite, j’ai quitté cette société pour rejoindre une structure proche du dépôt de bilan. J’avais 34 ans. Je me souviens que le propriétaire de l’entreprise m’a dit : « soit tu te débrouilles, soit on liquide l’entreprise ». J’ai donc essayé de comprendre d’où venait les problèmes. Avec mes collaborateurs, on a développé une vision industrielle, on a trouvé des financements à l’étranger, aux Etats-Unis, car à l’époque – nous étions en 2008 – il était très difficile d’en trouver en France.
Ensuite, nous avons réussi à financer notre développement et on a composé notre équipe. Nous avions gardé 20 personnes et cinq ans plus tard, on était 140 employés. Plus tard, l’entreprise a été reprise par un groupe industriel important où j’ai continué d’évoluer durant cinq ans, notamment dans l’équipe de Top management.

Quel est l’ADN de Eyco, nouvel acteur industriel dans la filière micro-électronique française et européenne ?  

A Eyco, on se gargarise d’être dans le monde de la microélectronique mais à vrai dire, nous sommes tout sauf des électroniciens. Nous sommes des gens des matériaux. Notre métier consiste à les transformer et les utiliser. Ces matériaux-là sont très proches du composant électronique, je dirais même qu’ils l’englobent. Tout cela représente le packaging du composant électronique. Le packaging a souvent été considéré comme le bas métier du secteur microélectronique, c’est d’ailleurs l’une des raisons qui fait que l’activité s’est exportée en Asie notamment. Or, ce bas métier s’avère extrêmement important parce qu’il va constituer une brique nécessaire pour le développement de nouvelles technologies. Voici un exemple concret : aujourd’hui, on ne met plus une seule puce dans un boitier, on en met une multitude qu’on va interconnecter. Le packaging devient une interconnexion d’une multitude de fonctions.
A Eyco, nous fabriquons des microcircuits qui vont permettre de capter des informations. Notre métier est de faire des plateformes qui accueillent le capteur, le microprocesseur, la mémoire et le système qui va transférer l’information à l’extérieur.

Ce bas-métier du packaging apparaît de plus en plus important, il a été considéré comme stratégique par la Commission européenne dans le cadre du Chips Act 2030. Il y a une forte volonté de redévelopper ce métier-là, étant donné qu’en Europe, on fait moins 1% du packaging des composants électroniques. L’enjeu est de remettre ces briques technologiques dans notre écosystème pour consolider la filière industrielle, et modestement, Eyco participe un tout petit peu à cela.  

La formation d’une nouvelle génération d’industriels fait partie de l’une de vos ambitions. Que mettez-vous en place au sein d’Eyco pour y contribuer ?  

Lorsque je me suis retrouvé sans emploi à 50 ans, je me suis dit que j’allais me lancer de nouveau dans un projet industriel. Et ce, pour deux raisons. La première est que je désirais créer en France des briques technologiques avancées pour contribuer au renforcement de la filière microélectronique. L’objectif est de les ancrer dans notre territoire car en France sur ce domaine, on était plutôt très pauvre, et là, nous commençons tout juste à nous développer.
La deuxième raison c’est que je voulais mettre en place une base d’apprentissage pour les jeunes générations. J’ai toujours travaillé dans l’industrie et j’ai pu y entrer grâce à un patron qui m’a mis le pied à l’étrier. Je me suis dit qu’il serait bien que je puisse à mon tour, aider les jeunes. Ce site industriel est en train de se développer, et on a besoin de nouvelles recrues, jeunes et moins jeunes qui intègrent le projet. J’espère bien que celles et ceux qui entreront dans l’entreprise seront les managers de demain. A Eyco, nous avons su mettre en place une chaîne intergénérationnelle, cela est extrêmement important.  

Concrètement, comment avez-vous procédé ?  

Cela s’est concrétisé de la manière suivante. Quand on a créé l’entreprise, on a fait un tour de table avec des gens ultra senior, qui ont contribué financièrement à Eyco mais aussi apporté leur pierre à l’édifice à travers un accompagnement des nouvelles générations. Souvent, je dis qu’on a fait « une start-up de vieux » mais en réalité, le deuxième bloc de l’entreprise qui est la génération âgée de 40 à 55 ans est en pleine puissance et déplie un réel effort, accompagné par des gens un peu plus anciens. Puis, il y a un autre bloc, cette nouvelle génération qui arrive. Elle apprend le métier en entrant dans un système auprès de personnes en reconversion formées sur nos outils de travail, cela peut être des ingénieurs, des doctorants.

A Eyco, on est très fier de faire fonctionner cette chaîne intergénérationnelle que je considère comme la la plus belle valeur que l’on développe actuellement dans l’entreprise. Cette manière de voir les choses est très développée aux Etats-Unis. Avec l’expérience que j’ai pu acquérir là-bas, je me suis toujours dit qu’un jour, je mettrai en place en France, cette chaîne-là qui est extrêmement robuste et qui constitue une des meilleures fondations possibles pour le démarrage d’un projet industriel.  

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