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Nathalie Augé, dirigeante de Microtechnic Group : « Je pense qu’en France, une industrie peut être forte sous réserve qu’elle coopère »

Acteur clé dans l’industrie des microtechniques, le groupe franc-comtois, Augé Microtechnic a fêté en 2024 ses 90 années d’existence. Nathalie Augé, sa dirigeante, revient pour La French Fab, sur ce qui fait le cœur des savoir-faire industriels de l’entreprise.

« Au départ, je ne me destinais pas forcément à reprendre l’entreprise familiale ni même être à la tête d’une société industrielle ». Depuis 2011, Nathalie Augé a pris les rênes du groupe Augé Microtechnic, expert dans le développement et la conception d’outillage et pièces de précision pour des marchés exigeants et compétitifs, dont les deux principaux sont l’automobile et le matériel électrique. Celle qui a été en charge pendant plusieurs années de la logistique au sein de la société, a longtemps hésité avant d’endosser le rôle qu’elle tient aujourd’hui. Deux choses la freinaient dans le fait de devenir cheffe d’entreprise : « la première, c’était la solitude du dirigeant, la deuxième, sa visibilité ».

Mais, avec un parcours très tôt tourné vers l’industrie – à la fin des années 80, elle étudie à l’école de commerce de Grenoble (Ecole de management aujourd’hui) en optant pour un cursus industrie – la Franc-Comtoise, qui a toujours souhaité travailler dans une PME afin d’avoir « la capacité d’agir et d’avoir un impact », a très vite trouvé sa place au sein de la filière. Elle obtient son premier emploi dans l’industrie chez un des géant de l’électroménager, Electrolux. « J’étais responsable de l’ensemble des achats qui étaient liés à la consommation de métal. Quand j’ai passé mon entretien pour travailler chez eux, je suis entrée dans l’atelier et me suis tout de suite sentie bien. J’ai su après que c’était grâce à l’odeur de l’huile de coupe, je suis tombée dedans quand j’étais petite », poursuit la cheffe d’entreprise, également attachée au côté « brut de fonderie » et « terre-à-terre » d’une filière où se côtoie une diversité de populations.

« Connecter les technologies, les matières et les organisations »

Initialement orienté dans la production de ressorts de montres, à Besançon, Augé Microtechnic, créé en 1934 par le grand-père de la dirigeante (André Augé) a su au fil du temps, diversifier son activité. Découpage, contactage, injection, surmoulage, parachèvement matières, assemblage de pièces… Dans le domaine de l’industrie de précision et des microtechniques, l’entreprise maîtrise de nombreux savoir-faire, qui reposent sur la « conception de process industriels complexes, adaptés aux besoins du client, du marché et dans notre capacité à produire la pièce demandée », souligne Nathalie Augé. Chaque année, 600 millions de pièces sont produites par le groupe industriel. En 2023, il a réalisé un chiffre d’affaires de 48,7 millions d’euros.

A la rentrée 2024, l’entreprise aux 400 salariés répartis sur des sites implantés en région Bourgogne-Franche-Comté ainsi qu’en Tunisie et en Roumanie, a fêté ses 90 ans d’activité. Une longévité qui s’explique en partie par sa capacité à innover et à se démarquer de ses concurrents en misant notamment sur la complémentarité de ses compétences et une capacité à établir des « connexions entre les technologies, les matières et les organisations », comme le souligne la dirigeante : « On a su intégrer dans notre stratégie beaucoup de technologies complémentaires nous permettant d’avoir une réponse différenciée auprès de nos clients. C’est-à-dire que selon leurs besoins, on va actionner, une ou plusieurs technologies en maîtrisant leurs différents aspects. Cela nous rend plus flexible et permet aussi une économie d’interlocuteurs ».

L’autre aspect qui distingue sur le marché de la microtechnique, l’un des fleurons de l’industrie franc-comtoise : « Dans nos métiers, on est plutôt dans le petit et dans la précision. Nos pièces tiennent dans la main », précise Nathalie Augé.

98% des déchets produits par Augé Microtechnic Group sont valorisés

Engagée depuis plusieurs années dans les problématiques liés à la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises – En 2010, Augé Microtechnic est certifiée ISO 14001 – l’entreprise a mis en place de nombreuses actions dans le but de renforcer sa position en faveur d’une industrie qui prend à cœur l’enjeu de la transition énergétique et écologique. Ainsi, 98 % des déchets produits par la société sont valorisés. « On a très peu de déchets qui partent en enfouissement. On a énormément travaillé sur la circularité mais à un moment donné on s’est dit que cela ne nous suffisait pas », étaye la dirigeante.

En plus d’avoir investi en 2023 à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros dans un système de traitement des eaux 100 % à circuit fermé, le groupe a pris la décision de faire du « vivant », un axe majeur de son développement global et stratégique. « Cela signifie qu’on oriente nos développements commerciaux et nos choix d’investissement en tenant bien compte de ce sujet ». L’entreprise a aussi adopté un mode de fonctionnement en interne et tournée vers ses collaborateurs, centrée sur « l’intelligence collective ». Une façon de faire qui inclue l’impact social et environnemental et dont le but est de prendre en compte l’ensemble des points de vue (salariés et collaborateurs) mais aussi de trouver des solutions inventives sur le développement de l’entreprise, dans un esprit de « cocréation ».

Un ancrage territorial fort avec « Territoire d’industrie »

Malgré deux filiales implantées à l’étranger, notamment en Tunisie et en Roumanie (la part de CA en exportation représente 30%) Augé Microtechnic Group a fait du maintien des compétences locales sur le territoire hexagonal, une priorité. « Depuis 90 ans, on a choisi de conserver les compétences locales et de les développer chez nous même dans le cas où financièrement, ce n’était pas une bonne idée », fait savoir la dirigeante. Elle met aussi en exergue le fait que le groupe fabrique prioritairement leurs outils et moules en France et non pas en Chine par exemple, un choix « souverain » pour Nathalie Augé.

Membre de l’équipe qui pilote le dispositif « Territoires d’industrie Alliance Luxe & Précision Doubs », deuxième volet de la démarche nationale de réindustrialisation sur le territoire français, la cheffe d’entreprise voit dans ce rôle de valorisation de l’industrie, une « occasion de participer » d’apporter sa pierre à l’édifice, comme ont pu le faire avant elles, ses prédécesseurs. « Mon grand-père et mon père étaient investis et ont participé fortement à des missions qui ont rendue puissante l’industrie à leur époque dans la région du Doubs ». C’est aussi une manière de rendre au territoire, ce qu’il apporte au groupe industriel, en termes d’infrastructures, de réseaux, de formations, d’ancrage… « Je pense qu’une industrie peut être forte sous réserve qu’elle coopère, Territoire d’industrie est une bonne occasion d’agir dans cette direction-là. On a besoin des tous petits faiseurs, des petites entreprises, celles de 4, 5,10 personnes, celles-là, elles font face aujourd’hui, à des enjeux incroyables », continue Nathalie Augé.

Réglementation des marchés, difficultés de recrutements, déficit de formation pour les filières techniques, enjeux climatiques… Une voie que le groupe industriel aimerait continuer à développer et à améliorer.

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